Chronologie des services de protection de l'enfance des Premières Nations

À l'exception des Premières Nations jouissant de l'autonomie gouvernementale et à l’exception de la Première Nation de Spallumcheen, les lois provinciales et territoriales sur la protection de l'enfance s'appliquent à la fois aux deux juridictions, soit sur et hors réserve, mais les provinces et les territoires s'attendent à ce que le gouvernement fédéral paie pour les services sur les réserves. Lorsque le gouvernement fédéral ne paie pas, ou le fait à un degré moindre, les provinces ne comblent pas le manque à gagner. Il en résulte un système à deux vitesses où enfants des Premières Nations obtiennent des services inéquitables.

 

En 2007, la Société de soutien à l’enfance et la famille des Premières Nations et l'Assemblée des Premières Nations ont déposé une plainte en vertu de la Commission canadienne des droits de la personne, alléguant que le gouvernement fédéral, représenté par le ministre des Affaires indiennes et du Nord [AINC], faisait preuve de discrimination raciale contre les enfants des Premières nations en offrant moins de bénéfices de protection de l'enfance sur les réserves.

 

Cette plainte a été déposée en dernier recours, après une décennie de travail conjoint entre les Premières nations et AINC visant à documenter les inégalités et développer des solutions pour remédier à la situation. Or, elle n'a pas inspiré le gouvernement fédéral à répondre aux inégalités.

 

L’historique ci-dessous présente les rapports et les activités importantes qui ont précédé le dépôt de la plainte en droits de la personne.

Années

1950

 

Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont commencé à fournir des services de protection à l'enfance dans les réserves.

Certaines provinces/territoires ont développé des ententes avec AINC afin d'être remboursés pour les prestations livrées dans les réserves.

1960 Les Premières nations commencent à exprimer des préoccupations sur le transfert en masse des enfants par les gouvernements provinciaux et territoriaux de la protection de l'enfance. Ces déménagements en masse sont devenus plus tard connus sous le nom "scoop 1960."
1965 Protocole d’entente sur les programmes d'aide sociaux pour les Indiens, effectif à compter du 1 décembre, 1965. (Entente bien-être Indiens) accord signé entre la province de l'Ontario et AINC exigeant AINC à rembourser l'Ontario de 93 cents sur le dollar pour les services fournis aux enfants indiens inscrits dans les réserves. Les Premières Nations n'était pas signataire de cet accord. L'entente de 1965, (entente bien-être Indiens) demeure en vigueur.
1970’s-1980’s Les agences de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations se créent à travers le pays. Les ententes de financement avec AINC ont été négociées au cas par cas et les organismes ont reçu leur pouvoir légal d'offrir des programmes de protection de l'enfance via les provinces.
1986 AINC met en place un moratoire sur le développement des organismes de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations en attendant l'élaboration d'une politique de protection nationale de l'enfance.
1988 AINC débute le développement d'une politique nationale de protection de l'enfance qui comprend une formule de financement nationale pour les organismes de services à l’enfance et à la famille, appelée Directive 20-1, chapitre 5 [la Directive].
1990 AINC reçoit du Cabinet et du Conseil du Trésor le pouvoir de mettre en œuvre sa politique sur les agences de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, incluant la Directive 20-1. La Directive exige que les services offerts dans les réserves soient culturellement appropriés et raisonnablement comparables à ceux offerts hors des réserves dans des circonstances similaires.
1991 AINC met en oeuvre sa politique nationale de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, qui inclut la Directive 20-1. La Directive 20-1 fournit des fonds pour des enfants des Premières nations et les organismes de services aux familles en deux volets: 1) le maintien et 2) les opérations. La formule comporte également un ajustement pour l'inflation, le nombre d’enfants et l'éloignement. Le maintien est destiné à couvrir le coût des enfants faisant l’objet d’un placement. Les opérations étaient à l'origine destinées à couvrir un nombre limité d'items en relation avec le coût des opérations d’une agence, ainsi que la prestation de services de prévention très limités. Les Premières Nations ont exprimé des préoccupations sur la structure de financement et sur les montants, mais AINC a quand même procédé à la mise en œuvre. Voir pp. 83-84 de l’Examen conjoint de la politique nationale (voir ci-dessous) pour obtenir une liste complète des items qui étaient à l'origine inclus dans la formule des opérations.
1990 Les Premières Nations continue d'exprimer des préoccupations à AINC, à l’effet que le niveau de financement et la structure de financement entravent la prestation de services culturellement appropriées et équitables pour les enfants et les familles dans les réserves.
1995 AINC cesse unilatéralement de fournir les ajustements à l'inflation contenus dans la Directive 20-1 pour les agences de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations.
1999 AINC et l'Assemblée des Premières Nations convoquent, et co-président, un comité conjoint pour réexaminer de la Directive 20-1.
2000 AINC et l'Assemblée des Premières Nations publient le premier examen conjoint de la politique nationale: Rapport final, Juin 2000 (McDonald et Ladd, 2000). L’examen de la politique nationale a permis de constater que les enfants des Premières Nations avaient reçu 22 pour cent moins de financement que les autres enfants. Il a également identifié des problèmes importants à la structure, y compris le manque d'emphase sur les mesures les moins perturbatrices et le manque de financement ou l'insuffisance du financement pour des dépenses nécessaires à un bon rendement équitable et culturellement approprié de la pratique du travail social. D'autres recommandations portaient sur le rétablissement de l'ajustement à l'inflation, sur la résolution des conflits de compétences entre les gouvernements fédéral/provincial de services qui entravent la prestation de services aux enfants des Premières Nations, ainsi que sur un appel à un examen spécial de l'accord de 1965, (Accord sur la protection des enfants indiens). Lire le rapport NPR.
2000 AINC et l'Assemblée des Premières Nations convoquent et co-président le Comité aviseur national des Premières Nations sur les services d'aide à l'enfance et à la famille pour superviser la mise en œuvre des recommandations de l’examen conjoint de la politique nationale. Un plan de travail a été élaboré et il identifie à court, moyen et long terme la mise en œuvre des objectifs. AINC fait peu de progrès dans l'application des recommandations de l’examen conjoint au cours des quatre années qui suivent.
2004 Un document interne d’AINC, obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, confirme que "le manque de soutien à la famille pour les enfants à risque et l'accès inéquitable aux services ont été identifiés comme étant d'importants facteurs contribuant à la surreprésentation des enfants des Premières nations en protection de l’enfance. "

Lire l'intégralité du document

2004 Le comité aviseur national mandate la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada pour compléter deux rapports : l'un sur les mesures les moins perturbatrices (Shangreaux, 2004) et l'autre sur la réponse en situation de crises dans les collectivités des Premières nations (Irvine, 2004). Lisez les rapports:
  1. Rester à la maison: l'examen des implications des mesures les moins perturbatrices pour les enfants des Premières nations et les organismes de services aux familles (2004)

  2. Réponse en situation de crise dans le cadre des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (2004)

2004 Le comité aviseur national mandate la Société de soutien à L’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada pour procéder à un examen détaillé de la politique sur les services d’aide à l’enfance et la famille des Premières Nations d’AINC et pour fournir recommandations pour améliorer les services. Le projet de recherche a été supervisé par le et complété en trois étapes documentées dans trois rapports. Le premier rapport a été complété en 2004 par le Dr Fred Wien. Il fut confirmé que les agences de services à l’enfance et à la famille des Premières nations continuent d'exprimer des préoccupations importantes au sujet de l'impact de la Directive 20-1.

Lire le rapport: L'économétrie au financement des agences de services à l'enfance et à la famille, rapport de la Phase 1 (2004)

2005 Le comité aviseur national supervise les travaux de la Société de soutien dans la réalisation des deux autres phases du projet de recherche lancé en 2004. La Société a retenu une équipe de plus de 20 chercheurs pour procéder à un examen global et détaillé de la politique d’AINC afin d'élaborer des recommandations dans le but d’améliorer les services. Les chercheurs avaient de l'expertise en économie, en protection de l'enfance, en développement communautaire, en sociologie, en gestion, en systèmes de gestion de l'information, et en droit. Les chercheurs principaux du projet de recherche [connu sous le nom de « rapports Wen: de »] étaient le Dr Fred Wien, de l'Université Dalhousie, le Dr John Loxley, de l’Université du Manitoba et le Dr Nico Trocmé, de l’Université de Toronto et de l'Université McGill.
2005 Le comité approuve les deux rapports préparés la Société documentant les résultats des recherches et les recommandations. Le premier rapport intitulé «Wen: de: Nous voyons poindre la lumière du jour" présente les recherches menées dans le but d'alimenter l'élaboration d'une nouvelle formule de financement et les améliorations à apporter à la politique qui sont énoncées dans le deuxième rapport «Wen: de: nous poursuivons notre chemin. "Les rapports confirment les conclusions antérieures de l’examen conjoint, identifiant les principales lacunes et les iniquités de la politique d’AINC. Il est recommandé d’injecter au minimum un montant de 109 millions de dollars par an (sauf en Ontario et dans les Territoires) pour répondre à l'iniquité et pour offrir des services de soutien culturellement appropriés. Parmi les recommandations se trouve le Principe de Jordan, qui stipule que l’intérêt d’un enfant doit être mis en priorité aux conflits de compétence qui empêchent les enfants des Premières Nations d'accéder à des services gouvernementaux.

Pour en savoir davantage sur le Principe de Jordan

Pour lire les rapports Wen: de :

  1. Wen: de: Nous voyons poindre la lumière du jour (2005)

  2. Wen de: Nous poursuivons notre route (2005)

2006 AINC verse des fonds afin de redresser les pertes subies par le défaut d’ajustement à l'inflation entre 1995-2005. Le montant prévu est estimé à moins d'un tiers de ce qui était nécessaire. La progression de la mise en œuvre des autres recommandations des rapports Wen:de est négligeable, malgré que le Canada ait un surplus budgétaire de l’ordre de 22 milliards de dollars.
2006 Concerné par le manque de progrès réalisé par AINC pour la mise en œuvre des recommandations des rapports Wen :de, les Chefs en assemblée, lors de leur réunion de décembre, ont à l'unanimité adopté une résolution (53/2006) autorisant l'Assemblée des Premières Nations et la Société de soutien à déposer une plainte en droits de la personne contre le gouvernement du Canada pour avoir omis de fournir aux enfants des services équitables et culturellement appropriés dans les réserves.
2007 En février 2007, Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières Nations, annonce publiquement le dépôt d'une plainte en droits de la personne contre le gouvernement du Canada (y compris AINC) alléguant une discrimination raciale à l'encontre des enfants des Premières Nations, résultat de la politique sur les services à l’enfance et à la famille d’AINC.
2007 La Vérificatrice générale du Canada entame l’examen du programme de services à l’enfance et à la famille d'AINC et s’adjoint l’aide du Vérificateur général de la Colombie-Britannique afin de mieux comprendre comment les relations entre AINC et les provinces influencent les services aux enfants et aux familles des Premières Nations, ainsi que la prestation de services aux familles dans les réserves.
2007 AINC met un terme au financement de l'Assemblée des Premières Nations pour le comité aviseur national.
2007 AINC développe l'approche de "financement amélioré", qui est une forme modifiée de la Directive 20-1, et qui inclut un nouveau volet de financement pour les services d'aide à l'enfance et à la famille des Premières Nations. Il n'existe aucune donnée probante et connue pour soutenir cette approche de financement amélioré. AINC demande aux agences des Premières Nations de l’Alberta d'adopter cette approche de financement ou de conserver les arrangements de financement actuels. De façon unilatérale, AINC met de côté toutes les recommandations de Wen :de ainsi que toutes les approches basées sur des données probantes. L'approche de financement amélioré est implantée Alberta et AINC fait la promotion, auprès de provinces sélectionnées, de cette approche comme étant la seule alternative à la Directive 20-1 et ce, malgré les préoccupations des Premières nations sur la structure de financement et le montant de financement accordé selon cette approche.
2007 Jean Crowder (NPD), députée de la Chambre des Communes, dépose la motion 296 en relation avec le principe de Jordan. Le 12 décembre 2007, le Principe de Jordan est adopté à l'unanimité à la Chambre des Communes.
2007 AINC affiche sur son site Web ce feuillet d'information sur les services d’aide à l’enfance et à la famille, confirmant que leur politique de financement est liée à un nombre croissant d'enfants des Premières Nations faisant l’objet d’un placement et stipulant que les agences de services d’aide à l’enfance et à la famille sont incapables de rencontrer les responsabilités pour lesquelles elles ont été mandatées.
2008 En mai 2008, la Vérificatrice générale du Canada publie son rapport sur les Services d’aide à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Dans ce rapport, il y a constat que le programme et le financement sont inéquitables (incluant la Directive, l’accord de 1965 sur la protection des enfants indiens et l’approche de financement amélioré d’AINC). AINC est d'accord avec le rapport de la Vérificatrice générale.

Lire le rapport

2008 Les fonctionnaires fédéraux tentent de réduire la portée du Principe de Jordan eut égard à son application sur les autres services fédéraux et pour qu’il soit applicable seulement aux enfants ayant des besoins médicaux complexes nécessitant de multiples fournisseurs de services, et ce, même si la motion 296 ne fait aucune mention autorisant une réduction de la portée du Principe de Jordan.
2008 Le premier ministre Gordon Campbell de la province de la Colombie-Britannique appuie le Principe de Jordan dans tous les services gouvernementaux.

Lire l’annonce du premier ministre

2008 Le Manitoba adopte une interprétation très restreinte du principe de Jordan, qui, selon la Société de soutien à l’enfance et à la famille du Canada, ne règle aucunement les impacts des conflits de compétences sur les enfants des Premières nations du Manitoba.

Lire la suite ici

2008 La Commission des droits de la personne renvoie la plainte au Tribunal de la Commission Canadienne des droits de la personne pour une audience complète.

Pour plus de détails, voir www.fnwitness.ca

2009 Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des Communes tient des audiences avec AINC et la Vérificatrice Générale du Canada sur l'implication des recommandations faites par la Vérificatrice Générale du Canada dans son rapport de mai 2008.

Dans ses conclusions finales, le Comité mentionne que "le fait de continuer à utiliser une formule de financement imparfaite signifie que des enfants des Premières nations et les organismes de services aux familles sont souvent sous-financés et les enfants des Premières Nations et les familles ne reçoivent pas les services dont ils ont besoin."

Read the report

2009 L'Ontario adopte le principe de Jordan en matière de santé et des services sociaux.
2009 La Saskatchewan adopte une interprétation très restreinte du principe de Jordan, qui, selon la Société de soutien à l’enfance et à la famille du Canada, ne règle aucunement les impacts des conflits de compétences sur les enfants des Premières nations de la Saskatchewan.
2010 AINC continue de promouvoir la formule de financement améliorée comme alternative exclusive à la Directive 20-1, malgré les préoccupations soulevées par la Vérificatrice Générale du Canada et le Comité permanent en 2008 et le Comité permanent des comptes publics en 2009. L’évaluation du projet mené en Alberta par AINC lui-même confirme il y a des préoccupations importantes à l’égard de l'approche. L'approche de financement amélioré est appliquée aujourd'hui en Alberta, en Saskatchewan, au Québec, en Nouvelle-Écosse et à l’Île du Prince-Édouard (même s’il n’existe pas d'enfants des Premières nations et organismes de services aux familles à l'Île). La Directive 20-1 continue d'être appliquée en Colombie-Britannique, au Nouveau-Brunswick et au Manitoba. L’Accord de 1965 continue d'être appliqué en Ontario, et la recommandation de l’examen conjoint de 2000 de procéder à un examen spécial de l'Accord de 1965 n'a jamais été appliquée.